DU BONHEUR

ET DU TIR À L’ARC…

Le “bonheur” est une notion singulière, résultant d’émotions sans autre rationalité que la réalité de l’instant vécu. Comme l’amour, le bonheur prend toute sa dimension dés lors qu’il nous fait défaut. Il semble bien que notre consumérisme profus en éprouve le manque!

Le bonheur est un produit en vogue. Produit? Le terme interpelle le bon sens. En effet, n’est-il pas présenté comme tel sur nombre de rayons : de sites; d’officines d’assistances à la personne. La promotion de méthodes censées assurer le bien-être se présente sous toutes sortes d’emballages et s’affiche sous  les plus séduisants sourires.

Aujourd’hui les promoteurs du “bonheur” donnent à croire que cet état ne dépendrait que de notre inadaptation à relativiser les contraintes sociales et sociétales de notre temps. Cette insatisfaction latente, et toutes sortes de frustrations, seraient les principes  générateurs de nos maux d’être.

Deux types de remédiations sont proposées:

– l’une suggère de (s’) imposer un schéma comportemental positiviste, tenant de la méthode Coué!

– L’autre, conduit à une constante autocritique, et à l’acceptation que ce qui trouble l’individu ne relèverait en fait que d’une vision erronée de ses perceptions.

Dans les deux cas l’objectif est la soumission sans condition à un formatage des pensées et des actions selon les modélisations en vigueur.

À l’époque du tout exhibé, l’humain est constamment exposé au regard de ses semblables.  La nature de  cette relation est interactive, l’alter égo renvoie à la conscience de soi. C’est au travers de cette représentation de l’ego, que les notions classiques de bonheur, exacerbent aujourd’hui toute la subjectivité de leur palette impressionniste… D’où la déclinaison à l’infini des frustrations de bonheur. Et moi et moi et moi comme dit la chanson…

La pratique du tir à l’arc en général et dans ses acceptions philosophiques en particulier, conduit souvent à une cruelle objectivation de l’image de soi dans le réel.

En effet tirer à l’arc c’est envoyer une flèche, si possible en plein centre de la cible, lequel est toujours d’une “neutralité” sans concession.

L’archer est focalisé sur le point central, s’il n’obtient pas suffisamment de réussites, il lui semblera que son image sera plus ou moins (dé) valorisée dans le regard des autres. De là à ressentir un certain manque à être tout court il n’y a qu’un pas. Or cette image empreinte de subjectivité, est génératrice de frustration(s) et par là même induit des compensations dénaturantes de tous les possibles en soi. Dés lors les moments de plaisir, alternent avec les moments de déplaisir, la confiance en soi en prend un coup .

On observera que chacun à sa manière affronte cette problématique selon sa façon de considérer l’importance du regard des autres. Pratique sportive ou pratiques rituelles exotiques rien ou peu n’y change, que les apparences.

Il est vrai que la pratique du tir à l’arc à haut niveau, procure des joies non négligeables. Mais tout a une fin, le crépuscule des dieux du stade ou celui des maîtres haut de gamme, balaie nombre d’illusions. Les archers seraient-ils particulièrement masochistes?

Pour autant, l’initiation de son lumineux cheminement n’est jamais programmable, bien fat qui oserait le croire. Comme pour la pratique sportive, au tir à l’arc il faut en passer par les savoirs pour espérer trouver “sa” Voie.

La perception de l’épanouissement en soi apparaît inopinément, il n’est pas continu cependant que l’instant d’après, sa trace demeure encore dans la mémoire, quand bien même le résultat au tir n’apparaît plus optimal.

Le bonheur là comme ailleurs, c’est d’avoir perçu tout les possibles en soi, cet “ainsité” incomparable. Là est la vertu de la “vacuité”, là est la Voie…

Alors elle est pas belle la vie d’archer?

GÉDEIX